Contrôle des colis par la douane : les précisions de la Cour de cassation
L’administration des douanes exerce depuis son origine une fonction de police des marchandises. Elle était donc déjà parfaitement équipée pour la recherche des produits contrefaisants lorsque cette mission lui a été attribuée au début des années 90. Depuis lors, les douanes exercent un rôle actif dans la lutte contre la contrefaçon. Les puissants pouvoirs de contrôle donnés par le Code des douanes sont mis en œuvre pour rechercher et saisir les produits contrefaisants, par exemple dans les colis postaux. Un arrêt de la Cour de cassation rendu le 22 janvier 2022 illustre les larges pouvoirs des douanes en matière de contrôle des colis et dans la recherche de contrefaçons. Notre décryptage :
Le contrôle des colis et envois postaux : l’article 66 du Code des douanes
Parmi ces pouvoirs de contrôle, l’article 66 du Code des douanes autorise les douanes à accéder aux locaux des prestataires de services postaux et des entreprises de fret express pour la recherche de contrefaçons.
Ce type de contrôle est très fréquemment utilisé par les douanes pour procéder à l’examen des colis postaux, spécialement dans les aéroports. L’article 66 du Code des douanes donne aux douaniers les moyens pour lutter, par exemple, contre les envois de petits colis postaux de contrefaçons à la suite de commandes faites sur des sites Internet.
Le contrôle des colis par la douane suppose-t-il de caractériser préalablement un indice d’infraction pour être mis en œuvre ?
Jusqu’à présent, la question de savoir si les services douaniers devaient justifier, ou non, d’indices préalables pour mettre en œuvre leur pouvoir de contrôle sur les colis postaux n’était pas clairement tranchée. En des termes plus juridiques, on ne savait pas si le pouvoir de contrôle de l’article 66 relevait des pouvoirs de police administrative des douanes ou d’un pouvoir de police judiciaire.
La doctrine s’interrogeait sur la nature de ce pouvoir de contrôle et relevait que les conditions de mise en œuvre étaient floues en raison de la rédaction difficilement saisissable du texte (JCl. Lois pénales spéciales, Douanes, fasc. 30, Procédure, S. Detraz).
La question est importante sur le plan pratique : elle peut entrainer la nullité de la totalité de poursuites car le contrôle douanier est souvent le premier acte réalisé dans le cadre de poursuites engagées devant le tribunal correctionnel sur le fondement des délits douaniers et pénaux de contrefaçon.
C’est à cette question de la Chambre criminelle de la Cour de cassation répond dans un arrêt du 22 janvier 2022 publié au bulletin (Cass. crim. 22 janvier 2022, n° 21-81.170).
Réponse de la Cour de cassation : les douanes n’ont pas à justifier d’un indice pour procéder à l’ouverture des colis et les contrôler
Les faits et la procédure :
Dans cette affaire, divers produits contrefaisants avaient été saisis par les douanes à l’occasion de contrôles de colis postaux. Des poursuites avaient été engagées par les douanes devant le tribunal correctionnel sur les fondements des délits douaniers de contrefaçon : le délit de contrebande de marchandises contrefaisantes et le délit d’importation sans déclaration de marchandises prohibées.
Le tribunal correctionnel avait fait droit à l’exception de nullité soulevée par le prévenu au motif que les procès-verbaux de constat établis par les douanes ne mentionnaient pas l’existence d’une mention préalable permettant de caractériser l’indice d’une infraction au Code des douanes. L’ensemble de la procédure avait ainsi été annulée et le prévenu avait été relaxé.
La cour d’appel avait infirmé le jugement et rejeté l’exception de nullité en retenant que :
« les agents de l’administration des douanes disposent d’un pouvoir général de visite et de contrôle au sein de ces locaux qu’ils peuvent exercer sans avoir à connaître la présence d’envois litigieux avant d’accéder auxdits locaux, et sans avoir à caractériser en quoi l’ouverture de tel colis serait nécessaire du fait d’un indice. »
L’apport de la Cour de cassation :
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel. On note que la Cour de cassation déduit la nature administrative de ce pouvoir de contrôle de plusieurs textes :
- des travaux parlementaires de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 qui avait modifié le texte de l’article 66 ;
- des autres dispositions du Code des douanes qui donnent aux agents des douanes un droit de visite général sur les marchandises, les moyens de transport et les personnes (cf. le droit de visite général de l’article 60 du Code des douanes) ;
- du droit de visite des locaux professionnels de l’article 63 ter.
La Chambre criminelle juge que la cour d’appel a fait une exacte application de l’article 66 du Code des douanes :
« Il se déduit des termes des dispositions précitées et de la teneur des travaux parlementaires lors de la modification substantielle du texte par la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014, et compte tenu des autres dispositions du code des douanes accordant aux agents des douanes un droit de visite général des marchandises, des moyens et des personnes ainsi que des locaux à usage professionnel, que l’article 66 du code des douanes édicte un droit de contrôle général au profit des services des douanes sur tout colis, n’excluant que les lettres contenant des correspondances. »
La solution n’est guère surprenante tant elle s’inscrit dans l’esprit des pouvoirs de contrôle dont bénéficie l’administration des douanes. Il y a là une nouvelle illustration des très larges pouvoirs que les douanes peuvent mettre en œuvre pour lutter contre la fraude et saisir des contrefaçons.
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