Loi Evin et publicité des alcools : la Cour de cassation garante de l’esprit restrictif de la loi ou l’espoir déçu des publicitaires
En France, la publicité des alcools est strictement encadrée par la loi Evin. Les possibilités de communication des producteurs et distributeurs de boissons alcooliques s’en trouvent fortement réduites. En 2018, la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt reposant sur une lecture littérale de l’article L. 3323-4 du Code de la santé publique. Elle a considéré que l’exigence de « référence objective » se limitait à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit, et ne concernait pas les autres particularités des boissons alcooliques. Elle ouvrait ainsi la porte à la créativité des publicitaires. Mais la Cour de cassation ne l’a pas entendu de cette oreille-là. Par un arrêt du 20 mai 2020, la première chambre civile a cassé la décision d’appel, en interprétant de façon restrictive la loi Evin. Explications :
Publicité des alcools : ce que dit la loi Evin et le Code de la santé publique
La publicité pour les boissons alcoolisées est, en France, réglementée par l’article L. 3323-4 du Code de la santé publique, issu de la loi Evin.
Schématiquement, la loi définit les supports de publicité et les thèmes limitativement autorisés.
Ainsi, une publicité relative à une boisson alcoolique ne peut porter que sur les thèmes suivants :
- le degré volumique d’alcool ;
- l’origine ;
- la dénomination ;
- la composition du produit ;
- le nom et l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ;
- le mode d’élaboration ;
- les modalités de vente ;
- le mode de consommation du produit.
Elle peut comporter des références relatives aux :
- terroirs de production ;
- distinctions obtenues ;
- appellations d’origine ou aux indications géographiques.
La loi ajoute que la publicité pour les boissons alcooliques peut également :
« comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit. »
L’espoir d’ouverture de la publicité des alcools : l’arrêt de la Cour d’appel de Paris de 2018 :
Un arrêt de la Cour d’appel de Paris, rendu le 13 décembre 2018, a semé le trouble. Les juges ont considéré que le caractère objectif des indications contenues dans la publicité ne s’imposait qu’aux mentions relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit. Pour les autres thèmes autorisés, les alcooliers pouvaient donc donner libre cours à leur créativité.
Dans son arrêt, la Cour jugeait en effet que :
« Les mentions ne doivent être purement objectives que lorsqu’elles sont relatives à la couleur, aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit, ce qui laisse la place à l’imagination des concepteurs des messages publicitaires lorsque la communication porte sur d’autres éléments de communication, tels que l’origine, la dénomination ou la composition du produit ».
L’ANPAA (désormais Association Addictions France) avait alors été déboutée de ses demandes tendant à faire condamner l’exploitant de la bière Grimbergen au titre de la diffusion de vidéos publicitaires présentant de façon stylisée le mythe du phénix (le phénix étant présenté, dans cette vidéo, comme l’emblème de l’abbaye de Grimbergen).
La solution retenue par la Cour d’appel de Paris reposait sur une lecture littérale de l’article L. 3323-4 du Code de la santé publique. De fait, en lisant précisément le texte, la loi n’impose expressément un caractère objectif qu’aux références relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit.
Publicité des alcools et loi Evin : l’interprétation restrictive de la Cour de cassation
La Cour de cassation n’a pas retenu la même solution et, par un arrêt du 20 mai 2020 (19-12.278), la première chambre civile casse l’arrêt précité de la Cour d’appel de Paris.
La Cour de cassation juge que :
« Si la publicité pour les boissons alcooliques est licite, elle demeure limitée aux seules indications et références spécifiées à l’article L. 3323-4 précité, et présente un caractère objectif et informatif, lequel ne concerne donc pas seulement les références relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ».
Par cet arrêt, plus conforme à l’esprit restrictif du texte qu’à sa lettre, la Cour de cassation vient mettre un frein très net à la possibilité (et l’espoir) des alcooliers de développer leur créativité et leur fantaisie dans leurs communications publicitaires. L’objectif de santé publique sous-jacent à la loi Evin prime ainsi sur la liberté des producteurs et distributeurs d’alcool.
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